FILEUSE

 

Fileuse : un travail d’appoint pour les femmes au XIXème siècle. La vie était rude dans les campagnes normandes à cette époque et, avec les enfants à élever, sans allocations familiales ni sécurité sociale, les femmes, grâce à des petits métiers exercés à la maison, ajoutaient aux ressources modestes du ménage. C’est pourquoi Marie Anne Legros et Victorine Tostain furent fileuses à domicile.

Fileuse, c’était un métier d’appoint qu’on exerçait souvent depuis l’enfance, et qu’on avait généralement appris de sa mère. Le plus commode à filer était la laine du mouton dont les brins sont les plus longs après la tonte traditionnelle du printemps. Solide et chaude, la laine naturelle convient, lorsqu’elle n’est pas vendue, à une destination pratique et familiale, pour la confection de pull-overs, de chaussettes, de gants et de bonnets.

Avant d’être filée, la laine devait être tout d’abord désuintée, donc trempée une huitaine de jours dans de l’eau ordinaire qui doit être changée chaque jour. Comme la laine va ainsi garder une certaine quantité de graisse naturelle, elle ne laissera pas passer l’eau et sera particulièrement chaude.

La fileuse choisissait de préférence les longs brins et éliminait de ce fait la laine courte des pattes et de la queue de l’animal. En effet, avec des brins de laine trop courts, il était difficile d’obtenir un ruban continu et celui-ci se cassait fréquemment. Il fallait alors faire un raccord en plaçant l’une sur l’autre les extrémités de la laine qu’elle étirait à nouveau pour éviter les surépaisseurs. Pour donner plus de solidité aux raccords, la fileuse roulait doucement le ruban sur sa peau (le genou la plupart du temps) par un mouvement de va-et-vient avec la paume de la main, pour une torsion qui évitera une nouvelle cassure du brin.

Il faut ensuite carder la laine à la main, avec une brosse à carder qui permettra de garder les brins intacts. Il lui fallait trier la laine en éliminant à la main toutes les impuretés qui s’y trouvaient, après quoi elle étirait chaque petit tampon de laine en formant de longs rubans larges d’un centimètre environ, qu’elle enroulait sur eux-mêmes à la façon d’une corde. La laine était alors prête à être filée.

C’est alors que la fileuse va utiliser son fuseau, un bâton de bois léger, renflé en son milieu, qui se termine en pointe à chaque extrémité. Ce fuseau sera souvent le cadeau fabriqué par le « promis » ou un membre de sa famille qui l’aura taillé au cours des veillées. Elle va alors avoir besoin de ses deux mains : après avoir noué le ruban de laine au milieu du fuseau, elle va le tordre entre ses doigts, la main gauche tenant la laine, la droite lançant le fuseau, serré à son extrémité entre le pouce et l’index, lui imprimant un mouvement de rotation comme sur une toupie, généralement dans le sens de gauche à droite.

Quand la fileuse a obtenu un bon mètre de laine, elle l’enroule autour de la partie centrale du fuseau en la maintenant bien tendue. Et lorsque son fuseau sera plein, elle mettra cette laine en pelote et recommencera à filer.

La plupart des fileuses font ce travail à la maison, dans les intervalles de temps libérés après avoir accompli les travaux de la maison. Surtout pendant l’hiver et pratiquement partout en Normandie, la femme et les enfants cardent, filent et préparent la laine. On travaille le plus souvent pour vendre sa production, et les ateliers et les grandes filatures récupèrent la laine préparée, parfois à plus de quinze lieues à la ronde. Une bonne fileuse pouvait traiter entre deux cents et deux cent cinquante grammes de laine chaque jour.

Ensuite, le rouet remplaça le fuseau ou la quenouille. Le rouet était généralement très simple, et transmis de mère en fille. Le principe du rouet est aisé à comprendre : le fuseau est entraîné par une roue qui le fait tourner régulièrement sur lui-même. Le travail est alors simplifié, car il consiste simplement à accrocher la laine au fuseau et la laine va s’étirer à mesure qu’on actionnera la roue avec le pied. Le filage au rouet devenait d’une exécution plus aisée, et donnait un résultat plus régulier que le filage au fuseau